Her

Spike Jonze, réalisateur de « Dans la peau de John Malkovich » continue sur sa lancée de scénario conceptuel avec ce nouveau film primé lors de la dernière cérémonie des Oscars. Et rien d'étonnant, « Her » est reparti avec le prix du scénario le plus original. Et c’est amplement mérité : les idées sont étonnantes (on pense entre autre à cette entreprise de création vocale de lettres manuscrites !), les décors sont savoureux et le concept est réellement troublant. L’humour, la bande-son (signée entre autre par Arcade Fire et quelques autres surprises) ainsi que la qualité des acteurs ne gâchent rien : Scarlett Johansson, invisible tout au long du film, réussit l’incroyable performance d’être malgré tout très présente de par sa voix et son implication et Joaquin Phoenix porte le film de par sa prestation puisqu’il est finalement presque le seul protagoniste que l’on voit pendant plus de deux heures de projection.

« I Robot », « The Island », « A.I. », beaucoup d'oeuvres ont abordé le sujet de l’humanisation de l’intelligence artificielle mais jamais de cette manière. En effet, la différence dans « Her » c’est que la forme d’intelligence avec laquelle le héros intéragit n’est ni un robot, ni un clone. C’est une voix, avec des émotions, un caractère mais dénué de la moindre parcelle de cellules biologiques.

C’est en cela que « Her » fait partie de ces réalisations qui rendent nerveux : on ressort troublé, étonné, songeur. Y’a t-il vraiment eu une femme ? Non, pas vraiment, juste une voix. Alors pourquoi était-ce si intense ? Le long métrage, qui veut s’apparenter au registre de la science-fiction, est pourtant d’un réalisme déroutant et s’ancre réellement dans notre 21e siècle. À l’ère du numérique, du monde virtuel, les gens sont de plus en plus nombreux à se tourner vers des sites de rencontres via le web et nous ne sommes pas si loin d’un monde dans lequel la limite entre réel et virtuel serait très floues.

Et même si le film provoque par moment de grands moments de solitude voir d’embarras, finalement Théodore et Samantha ont l’air réellement épanouis et heureux. Alors, entre deux froncement de sourcils, deux sourires en coin, on finit par se dire : et pourquoi pas ? Les années passent, les moeurs évoluent, les mentalités changent : pourquoi, demain, le fait de tomber amoureux d’un système d’exploitation ne pourrait pas être socialement accepté ? Bien sur quand on y pense, cela paraît étrange, voir dérangeant mais c’est justement tout l’intérêt de ce film : il interroge sur notre siècle et sur son devenir.

Les premières 90 minutes sont colorées, naïves et vraiment drôles (le petit bonhomme bleu du jeu vidéo de Théodore est à mourir de rire). Mais au fur et à mesure, l’ambiance se fait pesante, l’humour laisse place aux questionnements et les personnages s’assombrissent. Un ensemble détonnant et une chute qui laisse place à l’interprétation et à la réflexion, bref, « Her » fait parti des long-métrages à ne surtout pas manquer cette année.

Coraline Lafon