sorti le 19/11/2025
Réalisateur britannique absolument brillant, Edgar Wright a su imposer en six films, une véritable identité visuelle. Des différents genres parodiés dans la trilogie Cornetto avec Simon Pegg et Nick Frost, au discours acerbe sur une nostalgie trop fantasmée du sublime Last Night in Soho, Wright déploie une mise en scène riche, dynamique et singulière pour jouer avec différents genres de cinéma. Après la décennie infernale du développement d’Ant-Man qu’il ne réalisera finalement pas, le réalisateur s’attaque à un autre rêve d’enfance : réaliser sa propre adaptation du livre The Running Man de Stephen King sorti en 1982, bien plus fidèle à la vision de l’auteur que ne l’était l’adaptation de 1987 avec Arnold Schwarzenegger.
Dans un futur proche, "The Running Man" est l'émission numéro un à la télévision : un jeu de survie impitoyable où des candidats doivent échapper pendant 30 jours à des tueurs professionnels, sous l'œil avide d'un public délateur captivé. Motivé par le besoin de financer les traitements médicaux de sa fille, Ben Richards plonge à bras le corps dans ce système qu’il méprise pour en devenir le nouveau centre distractif.
Alors que la saga Hunger Games a complètement démocratisé le concept d’une dystopie où des jeux romains modernes ont été mis en place pour divertir le peuple et maintenir le pouvoir autoritaire en place, l’histoire exploite judicieusement la vision des classes sociales les unes vis-à-vis des autres et utilise habilement la manipulation d’images, renvoyant à notre propre réalité. À l’opposé du Paris dystopique fragile présenté le mois dernier par Cédric Jimenez dans Chien 51, Edgar Wright fait ici ressentir la modernité des villes dans chaque élément de décor et les fait vivre par un nombre conséquent de figurants. S’étendant sur plusieurs jours, la traque parcourt différentes facettes des États-Unis, devenus un gigantesque terrain de chasse hostile pour Ben Richards.
Si la thématique de l’asservissement des foules face aux médias contrôlés par les plus riches est très bien tenue, la réalisation manque malheureusement de la folie révolutionnaire qui caractérise pourtant si bien la filmographie de Wright. Dans une volonté louable de coller au point de vue de son protagoniste, très bien interprété par un Glen Powell au visage contracté par la colère, la mise en scène se rapproche de celle d’un blockbuster américain bien exécuté mais sans idée marquée. Ainsi, les scènes de courses-poursuites en voiture sont bien moins inventives dans leur découpage et leur montage que ne l’étaient celles de Baby Driver.
En dehors de quelques idées comme les billets avec la tête de Schwarzenegger, les podcasts façon théorie du complot et les travellings en grand angle qui suivent les personnages avec fluidité, le style de Wright s’efface dans une volonté de livrer un grand spectacle classique dans la forme mais plus noir que la moyenne dans le fond, malgré une fin édulcorée. Cette tension paradoxale entre un fond antisystème et une forme assez convenue rend le film frustrant. S’il est sans doute le moins bon film de la carrière d’Edgar Wright, il se hisse tout de même parmi les meilleurs blockbusters d’action de l’année, aussi enragé que son Running Man.
Gwendal Ollivier