sorti le 29/10/2025
Quatre ans après la sortie acclamée de son dernier album, Civilisation, Orelsan revient dans un premier rôle de cinéma. Si le film s’éloigne du registre de la comédie musicale pour plonger dans l’action et le fantastique, il garde tout de même un point commun avec Comment c’est loin et Bloqués : le rappeur incarne à nouveau une version alternative de lui-même. Après une tournée éprouvante, Aurélien décide de s'installer au Japon avec sa femme Nanako, enceinte de leur premier enfant. Alors que le jeune couple emménage dans une maison traditionnelle dans la campagne japonaise, Aurélien découvre dans un puits une armure ancestrale qui va réveiller d'étranges démons, les Yokaïs.
À l'œuvre derrière les clips du deuxième album d’Orelsan, Le Chant des sirènes, ainsi que derrière ses récents hits « L’Odeur de l’essence » et « Jour Meilleur », le réalisateur David Tomaszewski a grandement participé à construire l’identité visuelle du rappeur. Habitué à mettre en scène les univers délirants d’Orelsan, le cinéaste offre un film qui assume pleinement le côté fantastique de ses monstres sans jamais les tourner en dérision. Aidés par des effets spéciaux de qualité entièrement réalisés en France, les Yokaïs sont des adversaires de taille, parfois répugnants, parfois séduisants et parfois étrangement drôles. De même, l’action bénéficie d’une chorégraphie maîtrisée qui redynamise sans cesse le film d’une énergie nouvelle.
Face à Orelsan fidèle à lui-même dans son jeu, la comédienne Clara Choï lui tient parfaitement tête, délivrant une performance physique ponctuée d’un répondant bienvenu. La barrière de la langue que seule Nanako maîtrise donne lieu à plusieurs gags et permet surtout de développer l’aura de cette légende japonaise. Seul véritable défaut du film, le dernier acte verbalise les messages pourtant parfaitement sous-entendus par chacun des Yokaïs à travers les monologues de Nanako et du “boss final”. Bien que le retournement du “Yokaïs arbre” soit sympathique, l’écriture devient trop évidente, appuyant la mise en scène par des dialogues puis par une musique finale, bonne mais répétitive dans le message.
Composée par David Soltany, avec Eddie Purple, Orelsan, Phazz et Skread, la musique se repose étonnamment assez peu sur Orelsan, soutenant plutôt l’action par des compositions aux sonorités exotiques, interprétées par l’orchestre symphonique de Londres. Disponible dix jours après la sortie du film, l’album de la bande originale a d’abord été pensé pour le film, au sein du grand plan narratif transmédia d’Orelsan dans lequel ses albums, films, séries et même ses interviews construisent un personnage cohérent avec des thématiques complexes qui se développent sur les années. Malgré quelques maladresses d’écriture, le film raconte de manière rafraîchissante l’acceptation des sentiments pour aborder sereinement sa parentalité en brisant la carapace bloquante métaphorisée par la Yoroï.
Gwendal Ollivier