sorti le 09/07/2025
Warner Bros fait table rase du DC Extended Universe (DCEU) et de ses 16 films décousus allant qualitativement de grands films à purs navets, pour confier à James Gunn la mission de reconstruire un tout nouvel univers DC, sobrement baptisé le DC Universe (DCU). Réalisé par Gunn lui-même, ce film est donc la première pierre bancale d’un univers qui a néanmoins officieusement déjà commencé avec les séries Creature Commandos et Peacemaker, le film de James Gunn du DCEU, The Suicide Squad, ainsi que le film Blue Beetle. Avant même d’en voir la moindre image, ce projet semblait donc déjà confus, à cheval entre repartir de zéro et conserver certains acteurs et certains éléments du DCEU pour bâtir ce nouveau DCU.
Après avoir assisté à chaque nouveau trailer à la guerre de paroisse entre les défenseurs de la vision abandonnée de Snyder (développée dans Man of Steel, Batman V Superman et Zack Snyder’s Justice League) et les fans de James Gunn, réalisateur de la trilogie des Gardiens de la Galaxie, le film avait donc la lourde tâche de réussir à contenter les deux bords mais aussi le grand public et un public plus jeune. Évitant l’écueil d’une énième origin story au plus connu des super-héros, Gunn évacue l’introduction du contexte par une suite de textes jouant sur le chiffre 3. Ancré dans un monde peuplé depuis 3 siècles de Dieux et de Monstres, le plus grand héros DC n’apparaît déjà que comme un héros de plus, humilié dès sa première apparition, d’abord hors-champ par un ennemi inconnu, puis lourdement par son chien Krypto.
Un premier problème est déjà soulevé par le synopsis : impliqué dans des conflits aux quatre coins de la planète, Superman commence à susciter le doute dans les médias. Percevant sa vulnérabilité, Lex Luthor, milliardaire de la tech et manipulateur de génie, en profite pour tenter de s’en débarrasser définitivement. Lois Lane, l’intrépide journaliste du Daily Planet, pourra-t-elle, avec le soutien des autres méta-humains de Metropolis et le fidèle compagnon à quatre pattes de Superman, empêcher Luthor de mener à bien son redoutable plan ? En effet, ce synopsis place Lois, Krypto et les autres méta-humains en personnages principaux de l’action au détriment de Superman, qui se fait voler la vedette de son propre film.
Habitué à mettre en scène des losers qui réussissent, presque malgré eux, et qui agissent pour être cool avant d’être héroïque, le réalisateur réduit la puissance de son héros et ne cesse de l’humilier. À l’opposé de la vision déifiée de Man of Steel, Gunn exprime visuellement l’humanité de son personnage par l’accumulation de chutes et de coups qu’il subit et surligne tout de même son message verbalement en fin de film. Alors que la vision de Snyder laissait en tête les images du premier envol, du combat titanesque dans Métropolis ou des multiples sauvetages héroïques, celle de Gunn nous laisse seulement l’image dégradante de la tête de son héros plaqué contre le sol.
En dépit de blagues qui plombent parfois le rythme (comme celle de l’ouverture du garage), Gunn livre pourtant un métrage fluide à la mise en scène créative. Directeur de la photographie de ses trois derniers films, Henry Braham revient pour travailler de grands angles très cinématographiques (en dépit du réalisme, ce qui déplaira à certains). De même, en opposition totale à la photographie de Snyder, les couleurs flashy parviennent à rendre à la fois crédible et attendrissant le kaiju du début de film, pur personnage de comics porté à l’écran, à l’image de l’étoile de mer géante du final de The Suicide Squad. Si Superman ne bénéficie certainement pas de l’iconisation des précédentes versions, les scènes de vol en gros plans sur l’acteur retranscrivent en revanche adroitement la vitesse du héros avec les changements abrupts de la météo autour de lui.
Malgré son physique de jeune Henry Cavill, David Corenswet incarne une version très différente du super-héros, bien plus maladroit et expressif, collant à la volonté de le rendre plus humain et accessible à un jeune public. De même, Rachel Brosnahan saisit aussi bien la facette de journaliste intrépide de Lois Lane que son romantisme complexe et pourtant très pur avec Clark Kent. Dans les rôles secondaires, Nathan Fillion capture parfaitement l’essence du plus désabusé des Green Lanterns, tandis que Mister Terrific (Edi Gathegi) a le droit à un super plan séquence du point de vue de Lois pour illustrer ses pouvoirs. Choix audacieux de la part de Gunn, les parents biologiques de Clark, beaux mais idéologiquement détestables, s’opposent à la simplicité de ses parents adoptifs, fermiers au physique commun et à la morale juste.
Après Jesse Eisenberg en Zuckerberg sous cocaïne dans Batman V Superman, Lex Luthor subit encore une adaptation ratée sous les traits de Nicholas Hoult, sa tête juvénile et ses excès de colère le rendant plus ridicule qu’effrayant. Son plan de manipulation d’un conflit entre deux pays imaginaires entre Europe de l’Est et Moyen-Orient (dont l’un est dirigé par un dictateur caricatural) apporte une couche géopolitique superficielle mais confère une portée planétaire aux actions de Superman, qui inspire l’espoir à travers le monde. Enjeu central du métrage, la manipulation de l’opinion publique par les médias est renversée par deux fois de manière simpliste et corrobore l’idée que le film s’adresse à un public plus enfantin.
Si Hans Zimmer avait réussi à créer une bande originale terriblement impactante pour Man of Steel qui pouvait rivaliser avec les thèmes iconiques de John Williams sur les premiers Superman de Richard Donner, le duo de compositeurs de ce reboot ne tente rien de neuf. Vacillant entre des réorchestrations fades des thèmes de Williams et des copies peu inspirées du style de composition de Zimmer, la bande originale ne rend pas justice à la singularité de cet univers, le confondant avec les précédents et privant donc d’identité musicale propre ce nouveau Superman.
Gwendal Ollivier