sorti le 11/06/2025
Réputé pour ses séries à succès sur Netflix (The Haunting of Hill House, The Haunting of Bly Manor et La Chute de la Maison Usher) Mike Flanagan est passé maître dans l’adaptation de l’œuvre de Stephen King au cinéma. Après la réalisation de quelques très bons films d’horreur comme Hush ou lorgnant joliment vers le fantastique comme Before I Wake, le réalisateur livre coup sur coup deux excellentes adaptations de King avec le huis-clos Gerald’s Game, puis la suite de Shining, Doctor Sleep, bien plus respectueuse du livre que le film de Kubrick et pourtant tout autant créative cinématographiquement. Avec cette troisième adaptation d’une nouvelle de King parue en plein confinement, Mike Flanagan confirme son statut de grand réalisateur.
Soutenu musicalement par ses compositeurs habituels, les Newton Brothers, le réalisateur prend le temps de poser une atmosphère qui invite sans cesse le spectateur à se poser des questions et à travailler son imaginaire. Si la voix-off tend à sur-expliquer certaines situations, son propos renforce la fatalité de la vie mais est surtout complètement balayé par les actions des personnages qui décident soudain de vivre l’instant comme dans l’acte 2. Posant des questions métaphysiques sur la vie, la mort, l’espace, le temps sur terre et de la Terre, l’art et le sort du monde, l’intrigue du film mérite d’être découverte avec toute la surprise de la salle de cinéma.
Comme dans la nouvelle, le découpage en trois actes crée un mystère qui se transforme en fatalité puis s’achève par une leçon d’espoir sur la vie. Dans le troisième acte, le format scope (2,39:1) confère une sensation de grandiose à cette fin du monde mystérieuse, lente et inévitable dans laquelle les personnages déambulent en essayant de tenir le cap. Le deuxième resserre le format (2,00:1) pour se rapprocher de celui de nos portables beaucoup évoqué en début de film, mais surtout pour souligner la danse parfaitement immersive entre les personnages de Tom Hiddleston et Annalise Basso qui oublient leurs problèmes face au jeu électrisant de Taylor Gordon. Enfin, le premier acte plonge encore plus loin dans l’intimiste en adoptant un format 1,85:1, typique de l’époque de l’enfance du personnage et qui apporte un sentiment de proximité avec les personnages.
[SPOILERS]
Passant des tons bleutés du troisième acte futuriste pour s’achever sur ceux noisette très doux du premier acte dans le passé, la photographie conforte l’idée véhiculée par les différents ratios de cadre sans jamais trop en faire. Ainsi, le réalisateur filme avec une double-bonnette (lentille permettant de créer une zone de netteté différente sur deux parties du cadre) le dernier instant où Chuck, allongé sur le canapé dos à sa grand-mère, est dans le même plan qu’elle, pour métaphoriser le lien qui s’apprête à être brisé. Rappelant son bagage horrifique en une séquence, le réalisateur fait monter soudainement la tension lors de la première ouverture de la porte mystérieuse évoquée dès le début du film. Mark Hamill retranscrit parfaitement la terreur face à ce qu’il voit dans cette pièce, immédiatement nuancée par la nécessité de rassurer son petit-fils.
Alors que les phrases du troisième acte trouvent leurs échos au sein des morceaux de vie du protagoniste, le concept puissant d’un être qui contient des multitudes devient limpide. En dépit de la fatalité d’une mort si jeune à 39 ans, Chuck a essayé de profiter de la vie, saisir ses moments de plaisir, construire un univers de représentation du monde, des gens qui l’entourent et de tout ce qu’il a appris ; des univers qui malheureusement prennent un jour brutalement fin. Par l’édification de ces univers faits de rencontres, d’arts, d’endroits et d’instants, le réalisateur rend universelle et significative la vie de Chuck.
Gwendal Ollivier