Soudain seuls

Piégés sur une île sauvage proche de l’Antarctique suite à un problème de bateau, un couple va devoir apprendre à survivre à cet environnement et à eux-mêmes. De Seul au monde (Cast Away) à Lost, Thomas Bidegain s’empare de cette base dramatique d’apparente simplicité en adaptant sur grand écran le livre de la navigatrice Isabelle Autissier. Si le réalisateur français ne révolutionne pas le genre, il livre tout de même un film prenant et sensoriel en particulier dans son dernier acte.

Entre les côtes sublimes de l’Islande et les plages plurielles de la Bretagne, les décors forment une grande partie de l’intérêt visuel du métrage. Conscient de cet attrait pour les belles images, le metteur en scène filme les paysages parfois pendant de longues secondes dans une forme d’admiration d’une nature au climat pourtant si hostile. Opposant des plans en grand angle sur les paysages démesurés au sein desquels les personnages semblent minuscules à des plans en plus longue focale pour les discussions, le réalisateur joue avec la profondeur de champ, la zone de netteté et celles de flous qui entourent et isolent régulièrement le couple dans le cadre.

Déjà à l’œuvre sur la bande originale du précédent métrage de Thomas Bidegain, Raphaël s’éloigne de son style de prédilection pour livrer une composition instrumentale discrète. Alliage entre des nappes orchestrales sobres, la musique accompagne l’errance et les périples du couple par une ambiance flottante, quelques fois brisée par des percussions faisant grimper la tension.

Initié en juin 2021, le projet devait être porté par un casting américain ; Jake Gyllenhaal pour incarner Ben et Vanessa Kirby dans le rôle de Laura. Mais après des conflits entre l’acteur principal et le réalisateur, c’est finalement vers un casting français que se tourne la production en mai 2022. Difficile d’imaginer à quoi aurait ressemblé cette version américaine, en revanche Gilles Lellouche et Mélanie Thierry s’en sortent tous deux à merveille. Poussés dans leurs retranchements, aussi bien ceux du couple que ceux de leur survie personnelle, les deux acteurs incarnent avec justesse le lien à la fois fort et fragile qui les unit alors qu’ils se retrouvent soudain seuls.

Gwendal Ollivier