The Fabelmans


The Fabelmans
Réalisateur :
Steven Spielberg
Pays d'origine :
US
Titre original :
The Fabelmans
Durée :
2h31
Année :
2022
Date de sortie nationale :
22/02/2023
Genre :
BI,DR
Casting :
Gabriel LaBelle, Michelle Williams, Paul Dano, Seth Rogen, Judd Hirsch…
Synopsis :
Portrait profondément intime d'une enfance américaine au XXème siècle, The Fabelmans de Steven Spielberg nous plonge dans l'histoire familiale du cinéaste qui a façonné sa vie personnelle et professionnelle.

À partir du récit initiatique d'un jeune homme solitaire qui aspire à réaliser ses rêves, le film explore les relations amoureuses, l'ambition artistique, le sacrifice et les moments de lucidité qui nous permettent d'avoir un regard sincère et tendre sur nous-mêmes et nos parents.

Passionné de cinéma, Sammy Fabelman passe son temps à filmer sa famille. S'il est encouragé dans cette voie par sa mère Mitzi, dotée d'un tempérament artistique, son père Burt, scientifique accompli, considère que sa passion est surtout un passe-temps. Au fil des années, Sammy, à force de pointer sa caméra sur ses parents et ses sœurs, est devenu le documentariste de l'histoire familiale ! Il réalise même de petits films amateurs de plus en plus sophistiqués, interprétés par ses amis et ses sœurs. Mais lorsque ses parents décident de déménager dans l'ouest du pays, il découvre une réalité bouleversante sur sa mère qui bouscule ses rapports avec elle et fait basculer son avenir et celui de ses proches.
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sorti le 22/02/2023

Ouvrant sur les définitions d’un film par les deux parents avant la première séance de cinéma de leur fils, l’opposition frontale qui nourrit le metteur en scène est directement posée. Si le père est fasciné par la technique, ce principe de défilement de 24 images par seconde trompant notre « persistance rétinienne », la mère voit simplement la mise en image des rêves, le récit d’émotions portées de façon presque magique sur l’écran. C’est par cette opposition très claire que se construit le jeune réalisateur, regorgeant à la fois de la sensibilité artistique profonde de sa mère et de l’ingéniosité technique de son père. Recréant les premiers courts métrages de Spielberg, notamment The Last Gunfight et Escape to Nowhere (véritables brouillons de Saving Private Ryan), le jeune homme utilise un tas de subterfuges pour faire croire à des explosions, du sang, et une multitude de figurants, mais ne néglige pas pour autant l’émotion transmise par ses héros, placée au cœur de l’image.

Fidèle directeur de la photographie du réalisateur, Janusz Kaminski offre un éclairage bien plus discret que dans West Side Story mais pourtant tout aussi travaillé. De la scène de danse de la mère autour du feu de camp aux réflexions sur les visages des spectateurs émerveillés par les projections du jeune Sammy, l’importance de la lumière est constamment mise en avant. Collaborateur encore plus ancien, John Williams signe une composition élégante principalement marquée par les influences classiques de la mère du réalisateur.

En compétition pour l’Oscar de la meilleure actrice, Michelle Williams incarne toute la sensibilité de cette mère entre joie et dépression mais qui ne cesse jamais de croire en son fils. Paul Dano apporte lui aussi la nuance nécessaire au père qui considère le cinéma plutôt comme un hobby tandis que Seth Rogen, méconnaissable dans le rôle du meilleur ami des parents, fonctionne comme un liant entre eux mais croit aussi véritablement au talent de Samuel. Mais c’est dans l’écriture et le jeu irréprochable des acteurs enfants que la touche de Spielberg se ressent le plus. Insufflant l’énergie familiale que quatre enfants génèrent au sein d’un foyer, le casting des adolescents s’en sort tout aussi bien que celui des versions plus jeunes. Après avoir scotché tout le monde en tenant tête à DiCaprio dans Once Upon a Time in Hollywood, Julia Butters interprète la plus grande sœur de Samuel et décrit avec l’oncle (Judd Hirsch) la distinction du monde de la famille et celui du cinéma. Mais c’est surtout Gabriel LaBelle, l’acteur qui campe Samuel adolescent qui fascine par son émerveillement sur les choses, portant véritablement l’émotion du film sur ses épaules comme un Spielberg adolescent.

[SPOILERS]
Maître dans tous les genres, le réalisateur joue habilement avec leurs codes. Terriblement marqué par sa première séance de cinéma, le petit Sammy recrée une scène de déraillement avec un simple train miniature et quelques figurines, usant d’ingéniosité pour mettre en scène l’accident à la manière d’un grand film catastrophe. L’arrivée de l’oncle rappelle quant à elle celle d’un extraterrestre envahisseur tandis que la découverte de la relation entre sa mère et le meilleur ami de ses parents par l’inspection des pellicules du film de vacances est filmée à la manière d’un thriller à la Blow-Up. Enfin, toute la seconde moitié du métrage revisite les codes du teen movie des années 80 sans pour autant tomber dans le ringard ou dans le surfait. Seul juif de son école, Samuel devient la cible des grandes brutes mais aussi d’une catholique désireuse persuadée de voir en lui une réincarnation de Jésus. Armé de sa caméra et de sa table de montage, l’adolescent construit une histoire héroïque autour des deux camarades qui le harcèlent, l’un tourné au ridicule, l’autre iconisé comme un Apollon. Bouleversé par cette image de lui et la puissante approbation de ses camarades, l’ennemi de Samuel le confronte sans comprendre que ce dernier n’a pas simplement laissé sa caméra filmer ce qu’il voyait mais qu’il est bien responsable d’une certaine mise en scène.
[Fin des SPOILERS]

Se pliant à un exercice complexe, Spielberg prend le recul nécessaire pour traiter son alter égo Samuel avec justesse et une humilité cristallisée par le plan final. Appliquant humblement les conseils d’un réalisateur qu’il admire (un John Ford interprété par nul autre que David Lynch), le metteur en scène corrige son cadre pour placer l’horizon en bas de l’image. Alors que John Williams reprend habilement un de ses thèmes composés pour Jaws, premier gros succès de Steven Spielberg, le spectateur comprend vers quels horizons se dirige désormais le jeune Samuel Fabelman.

Gwendal Ollivier