Everything Everywhere All at Once


Everything Everywhere All at Once
Réalisateur :
Daniel Scheinert et Daniel Kwan
Pays d'origine :
US
Titre original :
Everything Everywhere All at Once
Durée :
2h19
Année :
2022
Date de sortie nationale :
31/08/2022
Genre :
AC,CO,SF
Casting :
Michelle Yeoh, Ke Huy Quan, Jamie Lee Curtis, Stephanie Hsu, James Hong…
Synopsis :
Evelyn Wang est à bout : elle ne comprend plus sa famille, son travail et croule sous les impôts… Soudain, elle se retrouve plongée dans le multivers, des mondes parallèles où elle explore toutes les vies qu'elle aurait pu mener. Face à des forces obscures, elle seule peut sauver le monde mais aussi préserver la chose la plus précieuse : sa famille.
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sorti le 31/08/2022

Sorti en mars dernier aux États-Unis face au géant Marvel, Doctor Strange in the Multiverse of Madness, le nouveau film des studios A24 offre une lecture radicalement différente du concept riche et finalement peu exploré du multivers. Arrivé tardivement en France en raison du coût assez conséquent exigé par A24 auprès des distributeurs français, c’est finalement le tout jeune Originals Factory qui nous livre ce long métrage explosif, drôle et profond qui nécessite incontestablement d’être visionné sur un grand écran.

Réalisé par le duo de réalisateurs, Daniel Kwan et Daniel Scheinert, sobrement surnommé « les Daniels », le film nous raconte l’histoire d’Evelyn (Michelle Yeoh), femme sino-américaine à la tête d’une laverie dont le destin ordinaire va subitement basculer. Alors que ses taxes non payées la rattrapent, que son mari veut demander le divorce et que sa fille fait son coming out, une version alternative de son mari, Waymond (incarné par le demi-lune d’Indiana Jones, Ke Huy Quan), débarque en plein rendez-vous pour la prévenir d’un grand danger pesant sur le multivers.

Après leur très original Swiss Army Man, dans lequel la musique de Andy Hull et Robert McDowell se passait de tout instrument pour être exclusivement vocale, les Daniels donnent de nouveau un rôle crucial à la bande originale. Composée par Son Lux, cette dernière sublime la montée en puissance de nombreuses séquences, la contemplation calme et apaisante de certains combats mais sait aussi se taire dans des moments comme la brillante séquence des pierres. Soulignant à merveille les ruptures du montage hyperactif, les envolées musicales épiques s’achèvent brutalement par le changement d’univers. Marqué par différents ratio de cadre (1,85:1 pour l’histoire principale ; 2,39:1 dans les séquences d’action ; et 1,33:1 pour les flashbacks), le duo de réalisateurs guident visuellement le spectateur au sein de leur délire visuel jouissif.

Limitant les décors à la laverie et aux bureaux des impôts, le budget moindre est habillement utilisé pour rendre compte de l’infinité et de la richesse esthétique du multivers mais aussi de la puissance de l’antagoniste, Jobu Tupaki, et de la salle blanche immaculée du bagel. Malgré une durée conséquente, les idées affluent à chaque séquence voire à chaque plan, le tout pour retranscrire au mieux l’état mental d’Evelyn et la puissance incontrôlable du Jobu Tupaki. De 2001, A Space Odyssey (avec la séquence des singes) à Ratatouille (avec le génial Ratontouille), les Daniels puisent tout autant dans des références cinéphiliques que dans la pop culture grand public et les traitent avec la même justesse comique. Imprégnés de la culture asiatique, les séquences d’amour au coin d’une rue rappellent l’esthétique d’In the mood for love de Wong Kar-Wai, tandis que le style des combats puise indéniablement dans les films de Jackie Chan ; ce dernier ayant d’ailleurs refusé le rôle titre.

Toutefois, l’influence ultime qui se ressent dans tous les aspects du métrage, de son écriture, à sa musique en passant par sa mise en scène et ses thématiques est bien évidemment celle des sœurs Wachowski. Difficile de ne pas voir l’écho de Neo au travers de l’ignorante Evelyn, poussée dans ce multivers par un mentor l’obligeant à faire un choix, lui apprenant à charger de nouvelles capacités pour combattre, et comprenant que son ancrage dans le système lui confère un rôle d’élue ; cette pire version d’elle-même qui doit désormais utiliser toutes les autres pour gagner contre le mal. Difficile de ne pas observer les similitudes visuels avec Sense8 dans les montages parallèles d’actions superposées dans des lieux différents. Difficile de ne pas retrouver le message purement humain d’acceptation de la différence de cette même série mais aussi celui d’amour au cœur de la trilogie Matrix, ici transposé par la mère qui doit apprendre à aimer sa fille inconditionnellement. Mais surtout, difficile de ne pas se délecter de l’application concrète de la leçon d’écriture livrée dans la fresque cinématographique sur l’unicité des histoires qu’est Cloud Atlas, nous permettant de suivre tout, partout, en même temps.

Gwendal Ollivier