sorti le 08/09/2021
Dirigeant ses acteurs avec une froideur très professionnelle et un ton institutionnel, Yann Gozlan construit une véritable ambiance d’insécurité, la parole très contrôlée de chacun pouvant constamment être remise en question. Collaborant pour la seconde fois avec Pierre Niney après Un homme idéal, le réalisateur épouse le point de vue de son personnage principal et oriente l’obsession de Mathieu vers un débordement, très bien incarné par l’acteur, remettant en cause son état mental pour le spectateur le suivant aveuglément depuis le début de l’enquête.
S’ouvrant par un faux plan séquence en travelling arrière partant de la cabine de pilotage pour traverser chacune des classes de l’avion et finir sur la boite noire qui enregistre et continue de diffuser le son de ce qui se passe en cabine pour le spectateur mais sans rien montrer du crash. Une astuce de mise en scène économique, mais aussi porteuse de sens : tout ce qui est en train de se passer durant ces quelques minutes est la reconstitution de l’accident dans la tête de Mathieu écoutant la boîte noire. Le parti pris de la focalisation interne est alors posé dès le début du métrage et fait naître un suspens efficace, laissant le spectateur nappé des mêmes incertitudes que Mathieu.
Naturellement, le travail sur le son est extrêmement minutieux ; l’espace sonore de chaque pièce (buzz des lumières dans le silence), la surabondance des sons dans les foules et la focalisation sur l’oreille de Mathieu à plusieurs reprises, comme on se focaliserait classiquement sur son regard, rendent compte d’une perception du monde en léger décalage par Mathieu. Le climat de tension, de pression étatique et hiérarchique, sur un personnage principal à la limite de l’hyperacousie est d’ailleurs non sans rappeler Le Chant du loup, sorti en 2019. En somme, un thriller à l’atmosphère lente, dicté par une ambiance sonore méticuleuse, à découvrir non pas dans une boîte noire mais bien dans une salle obscure.
Gwendal Ollivier