Monsters


Monsters
Réalisateur :
Gareth Edwards
Pays d'origine :
US
Titre original :
Durée :
1h33
Année :
2010
Date de sortie nationale :
Genre :
CD
Casting :
Whitney Able, Scoot McNairy, Annalee Jefferies…
Synopsis :
Une sonde de la NASA s’écrase dans la jungle mexicaine, libérant sur terre des particules d’une forme de vie extra-terrestre. Six ans plus tard, le Mexique et le Costa-Rica sont devenus des zones de guerre désertées par les populations locales, mises en quarantaine et peuplées de créatures monstrueuses. Un photographe est chargé d’escorter une jeune femme à travers cette zone dévastée. Seuls sur la route, ils vont tenter de rejoindre la frontière américaine…
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par Karine Baudot

Imaginez la Guerre des Mondes de Wells en version plus animiste aux accents de Miyazaki et à la beauté presque casavettienne. Vous obtenez le très surprenant Monsters.

Budget modique estimé à 15 000 euro, présenté comme le nouveau District 9 avec son histoire d'aliens, Monsters fait saliver un peu tout le monde. Une grave erreur de marketing que d'en faire le successeur du film de Blomkamp. D'abord car le style reportage n'existe absolument pas. Au contraire, le jeune réalisateur s'attache plutôt à l'image léchée, incroyablement éclairée. Faisant fi de sa tirelire vide, il joue aux hors champs, à la suggestion. Difficile d'imaginer vraiment ce que donne Monsters au vu des quelques photos et de la bande-annonce. br>
Le film fait pourtant inévitablement penser à un road-movie, à l'esthétique proche de La Route de John Hillcoat. On pense surtout à... Pékin Express (!) sans son aspect émission de télé-réalité, sans un animateur horripilant, sans pub, sans jeu. Juste de la découverte du monde. Le film suit un photographe, Andrew, qui accepte de rapatrier la fille de son patron aux États-Unis. Nous sommes dans un Mexique d'anticipation, où des extra-terrestres vivent dans une zone confinée entre le Nord du Mexique et la frontière sud des USA. Monsters va ainsi suivre leur périple. Là où un Roland Emmerich aurait sûrement sauté sur l'occasion pour créer l'apocalypse le plus total, prolongement de son horrible Independance Day, Gareth Edward préfère la vie. Les visages humains tout d'abord. Pour une fois dans de la science fiction, on voit des gens heureux, en harmonie avec une planète en mutation. La ville devient lieu d'échange, d'amusements et de partages. Les deux héros se baladent dans les rues. Et si on oublie jamais le contexte anxiogène, on se rend compte que la vie ne s'arrête pas.

Une escale dans une maison isolée illustre parfaitement cet angle presque inédit. Certes, les autorités alertent de la menace extra-terrestre. Oui, les masques de protections sont souvent là, oui on voit une économie parallèle se développer et des carcasses d'hélicos gâcher le paysage. Et alors. Comme une métaphore des pays du sud, Edwards affiche du souffle plutôt que de l'agonie. Et puis, il y a encore plus surprenant. La vie s'observe aussi du côté des aliens. Un peu à la manière d'une fable miyazakiste. Une forme d'animisme point, comme si les méchants envahisseurs de H.G. Wells (la Guerre des mondes) s'étaient accommodé de l'oxygène. Toute une nouvelle faune et flore se développe, l'écosystème s'adapte. Sans en faire trop, Monsters montre des plantes hybrides, des E.T. en phase d'adaptation. La sobriété évidente de la mise en scène permet de rendre l'aventure d'autant plus touchante. La surprise va même jusqu'à cette bande de mercenaires, à priori pas très commode, absolument fascinés par ce nouvel équilibre. Les restrictions budgétaires obligent le réalisateur à faire tarder l'attente de la rencontre entre le binôme américain et les fameuses créatures venues d'ailleurs. Le tout pour un final bouleversant, aussi bien sur le fond que sur la forme.

L'amour et la domination de la nature regorgent de références littéraires, cinématographiques et philosophiques sur la place de l'homme et de l'Autre. A ce titre, il faut aussi saluer la construction des deux personnages moins ordinaire qu'à l'accoutumée. Andrew et la jolie Samantha ne sont pas antagonistes, comme souvent dans les road-trip et les binômes forcés. S'ils ne cachent pas certaines divergences de points de vue, c'est une sorte d'osmose qui se dessine très vite. Un état de fait facilité par le cadre prédéfini. Monsters offre un attachement aussi bien humaniste qu'écologiste. Incroyable pour ce qui s'annonçait comme un simple essai de S.F. tendu. Le seul point de conflit vient d'une propagande militaire créant le chaos. C'est elle qui clôt brutalement le film, c'est elle qui donne surtout une fausse piste en ouverture. Le message semble primaire : si le protectionnisme américain appuyé par l'armée peut faire souffrir des peuples entiers (Irak, Afghanistan) où les civils morflent, ils peuvent appliquer la même terreur à des êtres venus de loin. Les « monstres » ne sont pas ceux que l'on croit. C'est le seul point commun avec District 9. L'un sous l'angle faux-documentaire, l'autre sous forme de très belle fable.

Karine Baudot