sorti le 19/05/2021
Premier film de la réalisatrice sortant fraîchement de la Fémis, Charlène Favier, Slalom marque par son esthétisme léché. Reprenant le schéma de scénario assez classique d’une adolescente se révélant progressivement être plus forte que ses camarades dans son domaine au point d’attirer les faveurs de son professeur, la réalisatrice se joue des codes du genre en ne donnant aucune importance dramatique aux scènes clés de compétitions de ski, représentant les motivations des deux personnages principaux. En effet, ce qui l’intéresse est bien plus le ressenti de Lyz, cette fille de quinze ans magnifiquement interprétée par Noée Abita, qui se perd complètement dans la pression et les entrainements intensifs qu’exigent l’excellence de sa filière sportive. Son entraineur, Fred (Jérémie Renier), profite à tous les égards de sa détermination et cherche à pousser la jeune fille vers cet avenir qu'il a lui-même manqué.
Ce désintérêt non dissimulé, que la réalisatrice affiche pour l’aspect compétitif du ski et ce, y compris quand les enjeux sont nationaux, apporte une première originalité à la mise en scène. Ainsi, elle nous livre des moments de courses filmés avec une caméra se baladant à tout allure derrière Liz en train d’accomplir des performances remarquables, mais n’insiste jamais sur ses victoires comme si elles semblaient naturelles et évidentes dans un scénario de ce type. Passant cet élément quasiment sous silence, elle demande donc au spectateur de s’intéresser à la partie obscure de la compétition, catalysée dans la relation intense d’élève-professeur se construisant à l’abri des regards. Le combat que Liz mène n’est pas contre ses adversaires de ski, mais bien contre elle-même dans une quête d’identité forcée par sa situation. Cette intention est soulignée par la bande originale mêlant synthétiseur, guitare électrique et cordes frottées, créant des ambiances flottantes propices à l’exploration interne de cette jeune fille, sur laquelle la caméra s’attarde dans des plans resserrés nous permettant de lire toute la profondeur de la détresse dans son regard d’une justesse déchirante.
Le changement radical dans la relation élève-professeur est visuellement illustré par les lumières qui basculent de la pureté bleue de l’eau de la piscine à celles rougeoyantes de la salle d’entrainement puis de l’élévateur, le tout sur les fonds blancs immaculés des monts enneigés. Les costumes appuient ce travail des lumières par des choix bien précis entre ce que Liz et ce que son entourage portent. Les décors débordent eux aussi de rouge et de bleu, des obstacles placés en travers de son chemin sur les pistes, aux accessoires qui sont systématiquement rattachés à l’une ou l’autre de ces couleurs symbolisant son conflit intérieur. Dès le début du métrage, le rouge de son sang venant tâcher son maillot à la piscine, prépare un triste écho à une scène bien plus tardive tandis que le bleu azur pétant de sa combinaison, la protège jusqu’au bout dans les moments de compétitions où plus personne ne semble pouvoir l’atteindre. Alors qu’elle s'engage corps et âme au sein de ce décor aussi blanc et pur qu’elle était innocente, c’est finalement vers la noirceur bleutée de la nuit que sa route s’achève.
Gwendal Ollivier