Jumbo


Jumbo
Réalisateur :
Zoé Wittock
Pays d'origine :
FR,BE,LU
Titre original :
Jumbo
Durée :
1h33
Année :
2020
Date de sortie nationale :
01/07/2020
Genre :
DR
Casting :
Noémie Merlant, Emmanuelle Bercot, Bastien Bouillon, Sam Louwyck, William Abello…
Synopsis :
Jeanne, une jeune femme timide, travaille comme gardienne de nuit dans un parc d’attraction. Elle vit une relation fusionnelle avec sa mère, l’extravertie Margarette. Alors qu’aucun homme n’arrive à trouver sa place au sein du duo que tout oppose, Jeanne développe d’étranges sentiments amoureux envers Jumbo, l’attraction phare du parc.
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sorti le 01/07/2020

Peut-on éprouver des sentiments pour un objet ? C’est autour de ce concept déroutant et pourtant plutôt simple que Zoé Wittock construit son premier long métrage. Porté par Noémie Merlant, le film développe la relation charnelle entre Jeanne et un manège dont elle s’occupe à la nuit tombée et qu’elle a renommée Jumbo.

Construisant son récit comme une comédie romantique classique avec ses étapes, ses hauts et ses bas, la réalisatrice puise aussi dans le “film de coming out” en reprenant le schéma de réaction de rejet et de déni qu’il engendre parfois malheureusement chez certains proches. Emmanuelle Bercot incarne ainsi une mère un peu trop affective, et dont la vie sentimentale est à l’encontre totale de celle de sa fille unique. Elle apporte la vision de la “norme” et permet d’amorcer le discours de rejet face l’attirance sexuelle peu commune de sa fille. Celui-ci est complété par Marc, collègue de travail de Jeanne qui symbolise l’homme viril et lourdaud qui ne pense pas vraiment avec son cerveau.

La réalisatrice dépeint brillamment ses personnages par ses différentes manières de mettre en scène leurs rapports sexuels. Alors que Jeanne regarde la télévision, elle se voit obligée (comme par habitude) de presser son casque contre ses oreilles pour échapper aux cris qu’émet sa mère dans la pièce d’à côté. Au contraire, lorsque Jeanne se retrouve face à Jumbo, la réalisatrice use de tous les procédés de mise en scène à sa disposition, de la lumière à la musique, en passant par les mouvements de caméra et les nombreux jeux de reflets, pour retranscrire toute la beauté et l’authenticité du rapport qu’est en train de vivre son personnage. Assumant pleinement la dimension fantastique de la conscience de Jumbo, elle transporte Jeanne dans un décor parfaitement blanc, symbole de sa virginité, et l’invite à se couvrir de l’huile noire du manège puis à y observer son propre reflet pour enfin s’y reconnaître.

Cette perte de virginité symbolique et visuellement très créative, est à nouveau mise en opposition avec le second rapport de Jeanne, cette fois avec Marc. La réalisatrice décide de cadrer uniquement le portrait encadré de l’homme dans son bureau et change très progressivement la mise au point pour faire apparaître Jeanne dans le reflet du cadre. Symboliquement, Marc ne désire que son propre plaisir et est incapable de comprendre Jeanne comme le confirme le dernier acte du film.

L’alliance du jeu de Noémie Merlant et de la réalisation de Zoé Wittock permet de construire de l’empathie et même de comprendre ce personnage atypique qu’est Jeanne. Le voile blanc porté par le vent dans la séquence de fin esquive subtilement la question de la réalité ou du fantasme de la dimension fantastique de Jumbo et incite le spectateur à faire preuve de la même ouverture d'esprit que la mère de Jeanne.

Gwendal Ollivier