Les Fantômes d’Ismaël

Ismaël est "faiseur de films", gendre d'un grand auteur, les deux partagent la déchirure d'avoir perdu cet être qui les liaient. 18 ans que Carlotta, sa femme a disparu, il s'est reconstruit dans les bras de Sylvia, astro-physicienne à mi-chemin entre les étoiles et la terre ferme. Et alors qu'il écrit son prochain film, sur une plage, les deux femmes vont se rencontrer...

Arnaud Desplechin fait partie de cette vague de cinéastes qui ont changé le cinéma d'auteur français dans les années 90/2000. A l'instar de Christophe Honoré, François Ozon ou Olivier Assayas, qu'a t'il encore à dire, à prouver, quand la nouvelle garde ne se contente plus de jouer les seconds couteaux. Desplechin porte les couleurs de sa génération. Pas un plan, un angle de caméra qui ne soit gratuit. Les dialogues sont du même acabit, et cela va jusqu'à la diction des personnages, en fonction des scènes, mais aussi du rapport à la trame principale. Car oui cette oeuvre est une tapisserie composée de plusieurs trames. Le scénario est multiple, et l'auteur vagabonde entre ses héros. N'oublions pas le titre, car c'est face à ses fantômes qu'Ismaël va exister, qu'il refuse de les voir, les embrasse ou les cherche vainement.

Ses fantômes ce sont des voix, celle très théâtrale de Louis Garrel, ou de Charlotte Gainsbourg en narratrice de sa propre vie. Ce sont aussi des cauchemars virant à la folie. Ismaël veut être insomniaque, ses rêves l'emplissent de terreur, et forcent le spectateur à se demander s'il observe un songe du héros ou sa réalité. En parallèle on suit le film que créé Ismaël, cette histoire de diplomate, frère nommé Dédalus du personnage principal, maitre dans le domaine des langues plus que dans celui du langage.

Les trames passionnelles sont multiples et l'on passe d'une histoire à l'autre, perdus comme l'est Ismaël.

"Les fantômes d'Ismaël" est un film complexe, souffrant parfois de ses propres contradictions, mais c'est surtout une très belle réalisation, qui si l'on s'en donne la peine offre une vision magnifique, portée par de très grands acteurs.

Marc Flageul