par Coraline Lafon
L'air renfrogné et peu aimable de Louis Garrel a longtemps fait la risée des internautes. Mais, suite au visionnage de son tout premier long-métrage, force est de constater que le jeune acteur sait faire preuve d'humour et d'auto-dérision. En effet, il incarne un personnage qui fait "tout le temps la gueule". Un clin d'oeil intelligent qui s'additionne à une première performance de réalisateur plutôt réussie.
"Les Deux amis" est un patchwork brut et poétique de l'existence et de ses aléas. Le réalisme du long-métrage séduit et les passages de vies montrés à l'écran s'enchaînent de manière à la fois logique et inattendue si bien que l'histoire attise notre curiosité : que va-t-il se dérouler ensuite ? On passe d'une émotion à l'autre, d'une ambiance à l'autre au fil de leur parcours, comme dans la vraie vie, et on se laisse prendre au jeu. Les personnages sont authentiques : on les voit pleurer, crier, sombrer, se donner du plaisir et la sensibilité est au coeur de ces 102 minutes à l'écran.
Pour ne rien gâcher, Louis Garrel a également su utiliser parfaitement les ralentis et les lumières : la scène de la boîte de nuit en est un parfait exemple mais de nombreux plans dans le film témoignent du fait que le réalisateur n'a rien laissé au hasard. Une très belle première réalisation en somme - co-écrite avec Christophe Honoré -, le tout rythmé par une superbe bande son à la fois sensuelle et triste. Il faut dire que Garrel était bien entouré. Vincent Macaigne était sans aucun doute le choix le plus perspicace pour incarner Clément, ce loser névrosé au coeur tendre et Golshifteh Farahani est tout simplement hypnotisante. Qu'elle hurle, rit ou danse, l'actrice est bluffante et nous fait partager les joies et les peines de sa liberté conditionnelle. Garrel et Macaigne forme un duo très crédible à l'écran et la relation ambigue entre Abel et Clément nous questionne sur le sens et les limites de l'amitié.
Bien qu'un peu ostentatoire sur certains points, Garrel signe là une bonne surprise cinématographique à ne pas manquer.
Coraline Lafon